Ergologia

En septembre 2012, le premier congrès de la Société Internationale d’Ergologie a été l’occasion de préciser les raisons qui ont conduit à créer cette Société.

Le besoin qui s’est fait progressivement sentir est double :

– renforcer les liens entre ceux qui partagent une préoccupation commune quant à la production des savoirs et la gouvernementalité sociale, dans leur relation avec l’activité humaine.
– nourrir ces liens par des échanges intellectuels et des circulations d’idées, quelles que soient leurs formes institutionnelles, instaurant par là une dimension de société savante.

Ceux qui se sentent des affinités et des engagements, selon des formats et des intensités variables, avec la démarche ergologique, ont le plus souvent la conviction qu’il y a lieu de repenser les formes actuellement prédominantes de fabrication et d’évaluation des productions intellectuelles. Et ceci pour la raison que dans leurs rapports aux différentes institutions sociales normatives, ces productions sont toujours en risque de mutiler, voire d’ignorer les réserves d’alternative dont toute activité humaine, et singulièrement les activités industrieuses, sont toujours plus ou moins porteuses. C’est par là que se tisse le lien entre régimes de production de savoir et gouvernementalité des activités humaines.

Dans divers lieux et aires géographiques, selon des modalités propres aux héritages et cultures spécifiques, des démarches novatrices tentent de repenser et transformer ce lien. Mais les configurations sociales, les formes gouvernant aujourd’hui les sphères de production de savoir sèment d’obstacles ces démarches innovantes et nécessaires. Renforcer les liens entre ces initiatives intellectuelles et transformatrices, au delà de leur diversité, paraît donc un objectif éminemment souhaitable pour assurer leur pérennité et leur développement.
Ces liens se sont déjà appuyés mais ont besoin de s’appuyer davantage sur la circulation et l’échange d’informations scientifiques et d’initiatives coopératrices entre tous ceux qui partagent ces convictions. C’est par là que la Société Internationale d’Ergologie peut s’inspirer du fonctionnement des sociétés dites « savantes ». Elle aura la tâche d’encourager le travail collaboratif, favoriser des productions intellectuelles argumentant avec rigueur ce point de vue dans le débat scientifique et social.  

Pour autant, il est clair que l’objectif de cette Société n’a en rien l’ambition de figer un corpus théorique, de cloisonner une « discipline » nouvelle, comme animée par le souci de défendre une identité scientifique et académique. Dès le début, la démarche ergologique n’a cessé de manifester sa préoccupation d’être interpellée par des savoirs, des institutions, des expériences de vie, des catégories sociales les plus diverses, expérimentant par là l’« inconfort intellectuel » que sa conception même de l’activité humaine lui a toujours imposé. 

Certes, entre cette volonté de promouvoir collectivement cet inconfort avec des dispositions qui le prennent en compte dans les rapports entre savoirs et pouvoirs, et le souci d’être toujours en instruction, en apprentissage par rapport à ce que la vie et le travail multiforme des savoirs nous reproposent jour après jour, la posture est en permanence à réajuster. Le fait que la Société Internationale d’Ergologie se propose d’associer des partenaires en toute indépendance par rapport aux structures, institutions et organisations existantes permettra de cheminer ensemble sur cette crête étroite, et l’on attend de ce premier Congrès qu’il éclaire et conforte dans cette voie tous les participants.